Mode d’emploi de l’Etat
jeudi 10 janvier 2008
Cette nouvelle discipline consiste à étudier la « production publique » et ses effets, qu’elle prenne la forme de subventions, de réglementations ou de la fourniture effective de biens et de services. Et elle est amenée à poser, en termes « scientifiques », des questions qui surgissent tous les jours, ou presque, sur la scène médiatique : Quel doit être le budget de la santé, de l’éducation ? Pourquoi mettre en oeuvre un revenu minimum d’insertion ? Faut-il faire payer les pollueurs ? Augmenter la CSG ou la TVA ? Mais elle formule aussi des interrogations fondamentales pour la vie de nos démocraties, et d’abord celle-ci : la règle de la majorité est-elle une bonne règle de décision ? Ou encore : la conscription universelle respecte-t-elle vraiment l’égalité des chances des citoyens ou faut-il lui préférer l’armée de métier ?
« Le développement du procès de l’Etat-Providence a montré que les limites de l’intervention publique étaient loin d’être atteintes » On s’y est habitué de longue date, les « Précis Dalloz » ne font pas dans la dentelle, et les cinq cents pages massives de celui-ci, bourrées d’équations et de graphiques, sont à déguster très lentement, si l’on ose dire. D’autant qu’il arrive à l’auteur d’omettre de donner la signification des paramètres qu’il emploie (Ah ! le maudit petit « b » de la page 413 donnera des cauchemars même aux lecteurs les plus studieux). Passons !
Plus dommageables sont les omissions de quelques grands noms de la critique de l’économie étatique, entre autres Murray Rothbard (L’Ethique de la liberté) et Anthony de Jasay (L’Etat). Robert Nozick (Anarchie, Etat et utopie) n’a droit lui-même qu’à un quart de page. John Rawls est traité en quelques paragraphes... Pourtant l’auteur s’efforce de tenir la balance égale entre libertariens, néoclassiques, keynésiens ancienne ou nouvelle manière, etc. La ligne de partage entre les différents clans est identifiée : est-il possible, oui ou non, de trouver un étalon commun, qui permettrait de comparer entre elles les utilités subjectives ? Mais, en dépit de la neutralité tout académique qu’il affiche, il ne peut s’empêcher d’avouer qu’il s’agit pour lui « de redresser l’image extrêmement négative que l’école des choix collectifs avait donnée de l’intervention publique et, par voie de conséquence, celle excessivement positive donnée du marché ». Pour Xavier Greffe, c’est au cas par cas qu’il faut décider s’il y a lieu, pour la puissance publique, d’intervenir. D’où ce livre-mode d’emploi de l’Etat, fort précieux à garder à portée de main pour les débats actuels. On regrettera toutefois qu’il ne consacre pas un mot à l’économie de la corruption, dont certains disciples de l’école du Public Choice ont pourtant fait leurs délices.
A la cinq cent unième page, Xavier Greffe réussit à nous surprendre : « Le développement du procès de l’Etat-Providence a, de manière un peu paradoxale, montré que les limites de l’intervention publique étaient loin d’être atteintes », écrit-il en guise de conclusion. Tant de foi dans le Léviathan d’aujourd’hui, ça finit par faire drôle.